Beaux quartiers (01)
Texte paru le 2012-07-28 par François T.

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© 2012 — Tous droits réservés par François T..
C'est Manu qui m'a trouvé ce plan-là. J'ai même failli refuser. Ça paraissait trop beau. Y avait un loup, sûr ! Soit Manu s'était laissé bourrer le mou, soit il enjolivait vachement.
Il était venu me chercher, l'air de rien. « Hey Mohamed, tu veux faire un tour de scoot ? » Ouais, faire ça ou glander sur un banc au milieu de la téci... Une fois loin des potes, il a commencé à me parler d'une affaire qu'il avait à me proposer. J'étais sur mes gardes car le Manu il fricote un peu dans la dope. Lui son truc c'est la livraison à domicile à ce qu'on raconte. Moi je ne touche pas à ça, j'ai d'autres vices alors ses courses il peut les faire lui-même, j'ai pas envie d'être son petit commissionnaire. Il tournait autour du pot mais j'ai commencé à comprendre qu'il s'agissait d'autre chose quand il m'a parlé du parc de Bellevue.
Pute ! C'est pas tout près mais il a dû m'y voir balader ma belle gueule et mon joli p'tit cul à la recherche d'une âme compatissante. Bon, j'suis pas pro, hein ! J'y vais plus pour la suce que pour les biftons. Mignon comme je suis, je n'ai jamais trop de problèmes à me trouver un keum pour me faire une sucette récompensée. Je suis ni le premier ni le dernier des cités à profiter de l'aubaine. C'est le coin là-bas : des vieux qui viennent chercher des rebeux ou des blackos à éponger. Moi en plus j'aime vraiment ça. Et pis, c'est une façon de parler, je dis « vieux » pour tous les mecs de plus de trente piges alors qu'il y en a qui sont loin d'être locdus. Il m'est même arrivé trois-quatre fois de faire de belles rencontres où j'ai pas hésité à m'agenouiller et dans ces cas là c'est gratos bien sûr. Merci M'sieu, tout le plaisir à été pour moi ! Une fois j'ai même eu envie de me retourner tellement le mec était mignon et sa bite appétissante mais j'ai eu les foies de le faire en pleine nature avec des voyeurs planqués derrière les arbres. J'ai vachement regretté parce que j'étais en manque ! Avouons-le, j'aime ça me faire mettre. Quand t'as goûté une fois tu peux plus t'en passer. C'est un cousin qui a fait mon éducation. Disons plutôt qu'on s'est éducationné l'un l'autre car il n'était pas plus vieux que moi. La première fois il a dû sacrément insister pour que j'accepte de me faire taper dans la rondelle, j'en avais envie mais même devant ton cousin, ça fout la honte de tendre tes fesses. Ouille ouille ouille quel pied ! Après je ne me faisais plus prier pour lui donner mon trou à déplisser et j'ai passé de sacrés bons après-midi à me faire ramoner la tuyauterie. Il est parti à l'autre bout de la France, ce con, depuis je suis en manque et je traine parfois au parc Bellevue ; c'est plus sécure que d'essayer de draguer un pote du quartier même si il y en a qui me font drôlement kiffer mais pas question de me faire une répute de pédé.
Bon, revenons à Manu. Qu'a-t-il donc derrière la tête ? Il n'a quand même pas l'intention de se lancer dans une carrière de souteneur avec sa carrure d'haricot vert ; faut pas qu'il rêve. Je le laisse venir.
— Écoute Momo ne le prends pas mal. Si j't'ai vu là-bas c'est que j'cherchais la même chose que toi. Y a pas de honte à avoir, c'est la vie. J'ai même entendu dire là-bas que parfois... ben euh... tu rechignais pas à... Eh oh calmos ! D'abord j'ai bavé à personne, fait confiance jamais personne n'en saura rien, pis j'te propose pas la botte pour moi. Voilà, j'ai un clille dans les beaux quartiers, un p'tit bourge qui m'achète de quoi se faire une ligne ou deux dans leurs soirées pouêt-pouêt. Il m'a demandé si je ne connaissais un mec mignon, un p'tit gabarit de préférence, pas trop racaille et qui voudrait bien faire un « extra »...
— !!?!!!
— Bouge pas, j't'explique ! C'est pour son petit frelot. Le frangin s'est révélé pédé mais comme il est plus timide qu'une pucelle, il ose pas draguer dans son bahut et il a pas trop de copains. À 16 piges il est toujours puceau. Mort de rire. Bon, le grand a pensé lui faire un cadeau spécial pour son anniversaire. Tu vois où je veux en venir ? J'me serai bien proposé mais il faut lui téter le sgeg et c'est pas mon truc. Alors évidement, un beau petit mec mignon, pas trop farouche et que ça ne dégoûte pas, ben j'ai pensé à toi... Si je me suis gouré, t’oublies tout et on reste potes mais crois-moi, il y a un peu de maille à se faire.
— Mouais, c'est pas un traquenard ton truc ? J'le sens pas.
— Pas de panique, le keum il est vraiment réglo. Jamais il discute le prix de la dope. C'est un jeune friqué qui pète de trouille quand on fait l'échange. Quand il m'a demandé ça, il était tellement gêné que je suis sûr qu'il est sincère.
— Vous avez parlé thunes ?
— Ouais. 60 pour toi, 30 pour moi. Mais je suis sûr que si je lui envoie ta jolie petite gueule par SMS on peut faire monter les enchères.
— La pipe et c'est tout, hein ! Je n'avais vraiment pas envie que Manu se doute que j'aimais me prendre des bites dans le fion.
— Garanti sur facture ! Allez fait un beau sourire pour la photo, dit-il en sortant son portable.
Je l'ai laissé pianoter sur son clavier. Ça me foutait un peu les boules de me laisser faire, son histoire de grand frère qui offre une suce pour l'anniversaire de son cadet je ne trouvais pas ça crédible. Toucher 60 Euros pour faire ça avec un ado pile-poil de mon âge non plus. Ou alors il devait être sacrément moche le frangin pour ne pas se trouver de copain. Ouais c'est ça : un thon de 100kg ou un ringard avec une tête de premier de la classe qui allait me snober du haut de son appareil dentaire. Brrrr, dans quel merdier je m'étais fourré !
— Allez hop, c'est parti. J'suis passé à 80-40. Si il veut du premier choix, faut qu'il casque !
— T'es gentil, t'efface ma tronche de ta carte mémoire, j'ai l'impression qu'il n'y a pas que du bon dans ton répertoire.
— Ouah l'autre ! Rendez service aux amis...
Je n'ai plus entendu parler de Manu pendant une semaine. J'espérais que le coup avait foiré. Ça me chagrinait vachement de jouer les prostiputes. Au parc de Bellevue, c'était pas pareil, le talbin c'était comme une manière d'encouragement, une prime à notre bonne volonté. Là les tarifs avaient grimpés, je tombais dans le commercial et ça me défrisait un peu de mélanger sexe et pognon. Sucer doit rester un plaisir et c'est pas un bifton qui allait m’empêcher d'avoir un haut le cœur. Et pis décidément je n'arrivais pas à y croire à sa belle histoire. Ça puait le piège pour petit arabe crédule.
Manu m'a choppé à la sortie du lycée le vendredi soir.
— C'est OK, ça marche ! Je passe te prendre demain à 2 heures derrière le Franprix, c'est discrétos la-bas. Tu te soignes meuh-meuh, mets ton Tacchini blanc, ça les fera tripper.
— Eh-oh, tu veux pas que je me mette une plume dans le cul pendant que tu y es ?
— Moi je dis ça pour ton bien, si tu plais vraiment tu peux peut-être gratter un petit pourlèche.
— Je sais pas si je vais y aller à ton truc, ça me fout le traczir.
— HEIN !!! Fais pas le con Momo, je me suis engagé et si tu me crames ce client, je te jure que je te fais une répute de salope dans tout le quartier.
J'aurai dû lui foutre mon poing dans la gueule à ce fumier mais -Un- Il avait son casque et -Deux- Il avait toutes les cartes en main pour me pourrir la vie. Déjà que certains keums de la téci se méfiaient de moi, me trouvaient un peu trop honnête, pas assez vicelard... Le Manu n'aurait aucun mal à me bousiller la réputation.
— Je te préviens Manu, moi aussi je peux balancer. Alors si il y a la moindre crasse je saurai me venger. Et au centuple !
— Mais nan, c'est du cent pour cent réglo, tu verras !
J'étais coincé pourtant le samedi je me suis préparé soigneusement. Douche, rasage des trois poils que j'ai sur les joues et coup de ciseaux élagueur dans la toison. C'est pas que je sois très touffu de ce côté mais j'ai parfois des grands poils tout frisés qui partent dans tous les sens. J'aime pas, je trouve que cela fait crade... un jour j'essayerai de me les raser pour voir. Ça me tente, j'aimais bien quand j'avais le ventre encore tout lisse et que la teub paraît encore plus grosse. Ce ne sera pas pour aujourd'hui, mon petit frère tambourine à la porte de la salle de bain pour que je lui laisse la place.
Mon plus beau boxer, le court qui me moule bien, un t-shirt Adidas sans manches et mon jogging Tacchini (Ouf, Maman l'a lavé et repassé!). C'est le seul truc chouette que j'ai et il me va super bien. Casquette bien droite sur la tête, visière cassée. Ouais je sais, les autres mecs du quartier ne la portent plus comme ça, des fois ils se moquent, ils disent que ça ne se fait plus. Je m'en branle, je trouve que ça me fait une belle gueule avec un regard un peu mystérieux quand je l'enfonce bien sur mon crâne. Coup d’œil dans la glace : yep, je me plais... je me croise dans la rue, direct je me drague ! Je croise Sofien mon petit frangin, 14 ans, 1m78, trois branlettes par jour (au moins) « Eh, tu vas voir une meuf ? » « Ouais » « Bonne bourre, tu me raconteras ? » « Compte là dessus ! » Et je me tire.
Manu me charge derrière le Franprix, pas de connaissance en vue. Il m'a filé un casque pour ne pas nous faire remarquer par la flicaille. Il est rusé Manu surtout quand il a de la dope sur lui. Il rejoint la Défense, plonge dans Puteaux, traverse la Seine et continue dans le bois vers Passy.
— C'est pas à côté ton truc !
— Te plains pas, je te prends rien pour l'essence.
— Bouffon !
Il fait beau, ça renifle le printemps à plein nez, il y a plein de monde sur les pelouses à prendre l'air, je profite de la ballade et j'en oublierai presque le petit puceau à sucer si toutefois Manu ne m'a pas raconté de craques. On arrive à Passy, à un carrefour Manu s'arrête et monte sur le trottoir devant une terrasse de café. Il y a du trèpe, rien que du beau monde à siroter des caouas hors de prix, pas du tout l'ambiance du PMU de la mairie. Avant même que Manu ait fini de béquiller son scoot, un grand jeune homme s'est levé d'une table et s'est approché de nous. Beau mec. Belle gueule. Style étudiant friqué. Pantalon de toile, chemise col ouvert, pull. Rien que de la marque. Des sigles connus partout. 19, 20 ans à tout casser et vraiment bien foutu. Pendant un instant je me demande s'il ne va pas nous demander d'aller nous garer ailleurs. Mais non, c'est notre rendez-vous, c'est le grand frère. La vache ! Je me mets à y croire à cette histoire à dormir debout, j'espère même que le bourge a un peu menti pour ne pas perdre la face devant Manu et que c'est pour sa conso personnelle qu'il m'a fait venir. Je me vois tout à fait batifoler avec un mec aussi canon. En plus il a l'air gentil, gentil mais ennuyé quand il me dévisage.
— Voilà, ça c'est Momo, me présente Manu avec l'élégance qui le caractérise. Le keum semble très gêné. Y a un problème ? continue mon pote qui s'est rendu compte du malaise du jeune homme.
— Non, non aucun. Je voudrais être sûr que vous êtes parfaitement au courant de ce pourquoi vous êtes venu ici, dit-il en me fixant dans les yeux.
Quelle phrase alambiquée ! Je suis pas sûr que Manu en ait saisi complètement le sens. Ben oui, connard, je suis venu pour sucer une bite, je suis au courant. C'est ma jolie petite gueule qui te surprend ? Tu t'attendais pas à avoir de la camelote surchoix ? Un petit beur bien craquant pour le prix d'une tafiole efféminée ? En plus il me vouvoie, mdr ! Je lui fais mon plus beau sourire, le Ravageur, celui qui dévoile mes petites quenottes bien blanches sur ma peau mate et je lui retourne une belle phrase bien construite avec sujet verbe et complément comme mes profs de l'école de la République m'ont appris à en faire.
— Il me semble impossible, à cause de l'affluence à cette terrasse de vous prouver physiquement mon plein accord avec le but que vous recherchez. Sachez néanmoins que j'y souscris sans réserve.
Et toc ! Mais où vais-je chercher des trucs pareils, moi ? De l'atelier théâtre du bahut, tu crois ? Ou des tonnes de bouquins que j'ai dévorés ? Manu est largué et le gars stupéfait. Stupéfait et séduit, je le sens bien. Manu est pressé de repartir, il a du taf qu'il nous dit et ne pourra pas repasser me prendre. Salope ! Je vais devoir me taper le RER. Le mec en lui serrant la main lui glisse quelque chose et on se sépare.
En marchant dans les larges avenues bordées d'immeubles cossus le mec me dit qu'il s’appelle Jean Édouard, Jean-Ed pour tout le monde et son frangin Pierre-Olivier. Putain, où vont ils chercher leurs prénoms, les bourges ? C'est un coup à faire un procès à leurs dabes ! Donc il existe bien un Pierre-Olivier qui a 16 ans dans trois jours, qui s'est fait pécho par son grand frère à consulter des sites homos sur internet et qui dans une confession larmoyante lui a avoué qu'il était sûr d'être gay, dévoré par le désir de faire l'amour avec un garçon mais que sa timidité maladive l'avait toujours empêché de tenter la moindre avance envers quiconque.
— J'adore mon frère, c'est un garçon vraiment très gentil, trop gentil et trop renfermé sur lui même. Je suis certain qu'une première expérience pourrait le débloquer. Fais lui un truc sympa s'il te plait (Ça y est, on se tutoie) ; je te prie encore de m'excuser pour tout à l'heure, j'ai été maladroit. J'ai tellement été agréablement surpris en t’apercevant que j'ai redouté qu'il y ait une embrouille derrière cela. Tu es réellement très mignon et tu lui plairas sans aucun doute. Je suis vraiment content que Pierre-Olivier fasse ses premières armes avec toi.
Premières armes, il a de ces mots, lui ! Je viens juste pour une fellation et sans avoir vu le destinataire je ne vais pas trop m'engager à faire un « truc sympa », faut l'inspiration pour se donner à fond, je ne suis pas un truqueur, j'ai pas les bases pour faire des « trucs sympas » sur commande. Si le P-O est trop locdu, je ne vais pas m'attarder, moi... pas fignoler la chose. Sa bougie de seize ans, je vais la lui souffler vite fait. Toi par contre, mon Jean-Ed, je veux bien te montrer toute l'étendue de mon savoir.
On est à la porte d'un immeuble encore plus chicos que les autres. Jean-Edouard me donne les dernières consignes et me prévient qu'il y a là également un ami à lui. C'est son meilleur ami, il connait aussi très bien Pierre-Olivier, l’apprécie et a parlé plusieurs fois avec lui de ses angoisses sexuelles (sic). Ils ont imaginé le « cadeau » ensemble. On grimpe au deuxième étage. Tapis moelleux et barres de cuivre dans l'escalier. Peinture faux marbre aux murs, vache de support pour les tags mais là il n'y en a pas. Une seule porte à double battants sur le palier. Jean-Ed ouvre. Je fais mes premiers pas dans la bourgitude.
Putain, l'entrée est aussi grande que le trois pièces de mes parents, si tu parles il y a de l'écho. Accès direct au salon. Rectification : aux salons. Y en a un petit puis un grand après, puis après encore une salle à bâffrer avec une table où tu peux manger à quinze au moins. Plein de portes-fenêtre ouvertes sur un balcon et les arbres d'un jardin public. T'es plus à Paname, t'es à la campagne. Personne pour te mater et des zoziaux qui s'égosillent sur le balcon. Un autre beau mec sort d'un fauteuil et se dirige vers nous. (Ben oui, le fauteuil est tellement profond, qu'il ne se lève pas, il en sort !) C'est-y que ce serait le Pierre-Olivier ? Parce que là, je suis partant sans restrictions ! Long et svelte, un peu fade de gueule à cause des cheveux blonds qui encadrent son visage et retombent sur ses oreilles mais l'air sympa et souriant. Chemise et pantalon bien coupés qui ne viennent pas de chez Kiabi. D'un coup d’œil je remarque l'arc que fait la braguette : il y a du monde là dedans ! Aie ! C'est Philippe, le copain. C'est pas humain de me faire saliver devant d'aussi belles friandises surtout s'ils me sortent après un Pierre-O binoclard et boutonneux. Philippe me serre chaleureusement la main avec la même moue approbatrice que Jean-Edouard, décidément je plais. Je devrais peut-être me vexer d'être jugé comme de la marchandise mais d'un autre côté cela flatte mon égo. Je m'installe dans un fauteuil pendant que les deux zèbres s'activent pour garnir la table basse : assiette de fours frais tout mimi et vachement appétissants, flûtes, bouteille de champ' avec une étiquette barrée de rouge et même une canette de coca au cas où j'aurais des interdits religieux (Jean-Ed dixit). Tout est en place, il ne manque plus que le principal intéressé.
Le grand frère va le chercher. Je l'entends toquer à une porte au fond du couloir qui longe les pièces de réception, tout là-bas à quelques kilomètres de salon.
— Tu peux venir s'il te plaît, on a une surprise pour toi.
À suivre...