Deux cousins (40)
Texte paru le 2022-04-01 par Jules1291

© 2022 — Tous droits réservés par Jules1291.

- Premier texte : Deux cousins (01)
- Texte précédent : Deux cousins (39)
- Texte suivant : Deux cousins (41)
Chapitre 8 - Hippies au Monte Verità
Dimanche 9 août 1964, Monte Verità, Ascona
Peu avant leur mort prématurée dans un accident de voiture, les parents de Giorgio Bernasconi avaient acheté le domaine du Monte Verità pour compléter leur parc immobilier. Les bâtiments avaient subi les outrages du temps depuis que la Colonie coopérative végétarienne Monte Verità avait cessé de les entretenir et s’était dissoute. Il était prévu de les rénover et d’en faire un complexe hôtelier cinq étoiles.
Giorgio, fils unique et seul héritier, en décida autrement. Il laissa les bâtiments en l’état, se contentant des réparations indispensables pour garantir la sécurité des hôtes. Renouant avec la tradition de la coopérative, il décida d’accueillir des hippies, mouvement qu’il avait connu lors d’un séjour aux États-Unis. Il renonça au matriarcat et au végétarisme mais garda le naturisme. Il déménagea dans le domaine avec sa femme Maria et son fils Flavio. Les rentes de ses autres propriétés le mettaient à l’abri de tout souci financier.
Giorgio avait fait un séjour dans la clinique où travaillait Dominique afin de faire opérer ses hémorroïdes. C’est ainsi qu’elle avait entendu parler du Monte Verità et décidé d’y passer quelques jours de vacances. Elle ne connaissait pas encore Daniel à ce moment-là, elle avait espéré que ce séjour lui permettrait de trouver un partenaire, pensant que les hippies étaient plus tolérants envers les personnes comme elle.
Dominique et Daniel se rendirent au Tessin avec la deuche en passant par le tunnel du Simplon et les Centovalli. Ils arrivèrent à Ascona vers 16 heures. En marchant depuis le parking jusqu’à l’entrée de l’hôtel, ils virent un hamac multicolore suspendu entre deux arbres. Un jeune homme nu était couché dessus et dormait, son sexe érigé leur parut disproportionné par rapport à son corps gracile. Ils l’observèrent un instant. Giorgio vint à leur rencontre. Il était vêtu d’un slip de bain et on voyait son début d’embonpoint.
— Bonjour, chers amis, dit-il. Bienvenue !
— Bonjour, monsieur Bernasconi, fit Dominique. Vous aviez raison, le naturisme est toléré ici.
— C’est mon fils, Flavio, un garçon différent, très attachant. Il cherche le contact avec tout le monde, ne vous en offusquez pas. Il viendra vous donner des explications sur le fonctionnement de la maison, je le laisse faire, il faut bien qu’il s’occupe pendant les vacances.
Dominique présenta Daniel à Giorgio.
— Ici tout le monde se tutoie, expliqua celui-ci. Je vais vous montrer votre chambre.
Flavio s’était réveillé, il se leva et les suivit.
La chambre était spartiate, il y avait deux lits séparés, seulement un lavabo et pas de salle de bain.
— Je vous laisse vous installer, dit Giorgio. Les douches et les toilettes sont juste en face, de l’autre côté du couloir. Le dîner est à 19 heures, vous pouvez descendre plus vite pour boire l’apéro et faire connaissance avec les autres. À plus tard.
Dominique et Daniel sortirent sur le balcon pour contempler la vue, avec le Lac Majeur en contrebas.
— C’est le paradis terrestre ici, fit Daniel.
— La vue sur le lac Léman est aussi belle chez moi, dit Dominique.
— Je pensais plutôt à la nudité et l’innocence comme au jardin d’Éden.
— Ce devait être comme ceci au début du siècle, le naturisme sans sexe. De nos jours, je n’y crois plus. Enfin, nous verrons bien, laissons-nous surprendre.
Les deux amis commencèrent à vider leurs valises lorsqu’on frappa à la porte. Daniel ouvrit, c’était Flavio, il était toujours nu, il ne bandait plus.
— Bonjour, dit-il en français avec un léger accent italien. Je peux entrer ?
— Euh, oui, entre, ton père nous a prévenus de ta visite.
— C’est toi Daniel ?
— Oui c’est moi, je suis avec mon amie Dominique.
Flavio la regarda attentivement.
— Tu es vraiment une femme ? demanda-t-il.
— Oui, répondit-elle, qu’est-ce qui te fait penser que je ne suis pas une femme ?
— Je suis sûr que tu as un zizi.
— Bah, oui, tu as raison.
— Tu me le montres ?
Dominique était décontenancée, elle ne savait pas que répondre.
— Tu as peur de te déshabiller devant moi ? continua Flavio. J’en vois tous les jours des zizis, des foufounes aussi. Mon père ne t’a pas dit ?
— Si, nous savons que le naturisme est autorisé ici.
— Et tout le monde couche avec tout le monde, je le fais aussi bien avec les hommes que les femmes. Ça s’appelle être bisexuel. Tu as des nénés ?
— Non, j’ai gardé mon corps d’homme.
— Tu es comme tout le monde, alors, pas de quoi avoir des complexes. Tu as une petite bite ?
— Plus petite que la tienne, en effet, dit Dominique en riant.
— Je sais, on me dit souvent qu’elle est grosse. Ce n’est pas la taille qui compte. Vous ne voulez pas prendre de douche et vous branler ? Vous avez dû transpirer, il a fait très chaud aujourd’hui. Moi j’ai envie d’en prendre une, je vais vous montrer où c’est.
Dominique et Daniel se concertèrent avant de répondre à Flavio.
— Une douche nous ferait du bien, dit Dom, mais n’avons pas envie de nous branler, il fait trop chaud.
— Vous faites comme vous voulez, fit Flavio, ici rien est obligatoire, mais vous devez accepter que la sexualité s’y pratique sans tabous, toujours dans le respect des partenaires.
— C’est en effet ce qui est noté dans le règlement que nous avons accepté, fit Daniel.
— Et si vous avez la flemme de vous toucher vous-mêmes, continua le Tessinois, je le ferais volontiers à votre place.
— Ton père nous facturera des extras ? demanda Dom.
— Non, c’est mon cadeau de bienvenue. Je vous rappelle aussi que vous devez participer aux tâches ménagères.
— Oui, nous le savons, dit Daniel. Cela fonctionne comment ?
— Il y a un planning établi chaque semaine avec un tournus : nettoyages, lessive, cuisine, jardinage, occire les poulets.
— Je ne sais pas cuisiner, fit Daniel en riant, et je préférerais être végétarien si je dois tuer les poulets moi-même.
— T’inquiète, c’est moi qui le fais, il y a beaucoup de végétariens mais mon père ne désire pas bannir la viande. Sinon il y a toujours des pommes de terre à éplucher et tu peux faire des échanges si tu préfères nettoyer les chiottes.
Dominique et Daniel se déshabillèrent, Flavio les regarda.
— Oui, tu es comme les autres hommes, dit-il à Dom, mais je veux bien te considérer comme une femme si tu en as envie.
— C’est vrai que quand je suis à poil c’est difficile de le deviner, je pense que tout le monde a des cheveux longs ici, sauf toi…
— Je ne suis pas un hippie, moi, je préfère être un latin lover. Tu es circoncise, tu es juive ?
— Non, je suis protestante.
— C’est comme aux États-Unis, Allen m’a dit que tout le monde est coupé. Mais lui était juif et il s’est converti au bouddhisme.
— C’est qui cet Allen ? demanda Daniel.
— Un poète qui est invité chez nous pour nous parler du mouvement hippie aux États-Unis, il es gay.
— Tu as couché avec lui ?
— Bien sûr. Trop vieux pour moi, mais il a de l’expérience et il m’a appris des trucs. Vous avez de la chance, il fera une lecture de son poème ce soir. Vous savez l’anglais ?
— J’ai vécu plusieurs années à Washington, D.C., mon père était ambassadeur.
— Et moi j’ai des patients anglophones dans ma clinique, expliqua Dominique.
— Parfait, dit Flavio, il y a souvent des bobos à soigner, faites attention aux insectes pour qu’ils ne vous piquent pas la queue. Bon, on va se doucher, prenez vos linges.
Daniel et Dominique passèrent spontanément les linges autour de la taille pour se couvrir avant de sortir dans le couloir, ce qui fit rire Flavio. Le local des douches avait deux bancs de chaque côté, le sol était ensuite recouvert de caillebotis en bois avec quatre pommeaux au plafond. L’eau était tiède. Une fois qu’ils furent lavés et séchés, Flavio demanda à Daniel et Dom :
— Je peux vous masser le zizi ? Nous avons une huile de massage aux fleurs d’amandier qui est fabriquée dans le couvent des Augustines du Monte Carasso.
— Des religieuses qui fabriquent une huile pour se branler ? s’étonna Daniel.
— Officiellement c’est pour revigorer les muscles fatigués.
Flavio ouvrit une petite armoire et en sortit un flacon.
— N’hésitez pas à vous servir, il y a d’autres articles d’hygiène à votre disposition, pas d’extras à payer, ce n’est pas comme les minibars.
Dominique et Daniel étaient debout l’un à côté de l’autre, Flavio s’enduisit généreusement les mains d’huile et débuta des caresses très doucement. Les deux amis bandèrent. Un homme d’une quarantaine d’années entra dans le local quelques minutes plus tard, nu avec un linge sur l’épaule. Il était petit, avait une chevelure noire fournie, sauf le sommet du crâne, un sexe circoncis sur de grosses couilles, surmontés d’une toison bien fournie. Daniel pense immédiatement que c’était cet Allen. Il les salua en anglais.
— Bonjour, ne faites pas attention à moi, je vois que Flavio vous as bien en main.
— Je ne suis pas à ton usage exclusif, dit celui-ci, je dois m’occuper de tout le monde.
— Je ne te le reproche pas.
— Je veux bien t’enculer une fois que j’aurai terminé avec mes nouveaux amis.
— Prenez votre temps. Je vais me doucher.
Flavio parla en français pour qu’Allen ne le comprît pas.
— Il aime bien les jeunes, il va certainement draguer Daniel.
— Tu veux dire que je suis déjà vieille ? fit Dom.
— Tu as plus de 20 ans, c’est vieux… Je plaisante.
Flavio suivit le conseil et prit tout son temps pour branler Dom et Daniel, faisant monter lentement le plaisir, sous le regard intéressé d’Allen. Ils finirent par éjaculer presque en même temps sur le plancher.
— C’est vous qui êtes inscrits pour nettoyer les douches demain matin, dit Flavio en riant, vous ne vous étonnerez pas du foutre partout.
Le Tessinois leur nettoya la bite avec son propre linge. Dom et Daniel retournèrent seuls dans leur chambre.
— Bizarre ce Flavio, dit Daniel, qu’en penses-tu ?
— Oui, je n’arrive pas à le situer, il faudrait en parler à un psy.
— En tout cas il est très décomplexé et il semble vraiment apprécier d’exhiber son corps et de coucher avec tout le monde.
— Et il sait s’y prendre, j’ai bien aimé sa branlette.
— Moi aussi, son huile a des vertus aphrodisiaques, je me demande ce que les religieuses y mettent.
Les caresses sensuelles de Flavio avaient détendu les nouveaux arrivants. Ils se couchèrent sur leurs lits et firent la sieste jusqu’à 18 heures, ils seraient restés endormis si Dom n’avait pas mis son réveil.
— On s’habille pour le souper ou on y va à poil ? demanda Daniel.
— Je préfère m’habiller, si nous sommes les seuls ce sera vite fait d’ôter nos habits. Le contraire serait plus ennuyeux. Et il y a encore une autre raison.
— Laquelle ?
— Si je suis à poil on me prendra tout de suite pour un homme, alors que si j’ai des habits féminins les autres me classeront comme étant une femme. Ils se rappelleront de leur première impression, même s’ils voient ma bite plus tard.
Ils avaient acheté des habits assortis : Dom une longue jupe avec des motifs floraux ; Daniel des pantalons avec de larges pattes d’eph. Ils passèrent des tee-shirts blancs et des pendentifs en métal représentant le sigle Peace and Love autour du cou. Ils descendirent avec un peu d’appréhension et se rendirent directement sur la terrasse de l’hôtel. Des guirlandes de lampes multicolores encore éteintes étaient suspendues entre des poteaux sur lesquels étaient fixés des haut-parleurs. Les repas se prenaient sur de longues tables recouvertes de nappes en toile cirée.
Giorgio, qui s’était aussi rhabillé avec des shorts et une chemise rouge, leur demanda si tout allait bien. Il y avait encore peu de monde et personne n’était nu, à part Flavio au bar. Il leur apporta deux verres de vin blanc sur un plateau.
— C’est du Merlot, dit-il, produit par un vigneron que nous connaissons bien et qui participe parfois à nos réunions, comme ce soir où il n’y aura pas que les résidents de l’hôtel pour écouter Allen.
Daniel aurait voulu demander à Flavio s’il avait vraiment baisé l’Américain mais il n’osa pas le faire devant le père, qui ne devait pourtant rien ignorer des frasques de son fils.
— Le premier verre est gratuit, expliqua encore Flavio, les suivants seront mis sur votre compte.
— Nous sommes obligés, dit Giorgio, sinon il y aurait des abus.
— Je pensais qu’il y avait plutôt d’autres drogues qui circulaient à part l’alcool, fit Dom.
— Je ne veux rien savoir, je ne désire pas d’ennuis avec la police.
Dom et Daniel trinquèrent avec les personnes déjà présentes, c’étaient surtout des Suisses alémaniques et des Tessinois. Ils retournèrent vers Flavio puisque c’était le seul qu’ils connaissaient déjà.
— Je peux te demander quelque chose ? fit Daniel.
— Tu veux savoir si j’ai pris mon pied avec l’Américain ?
— Je n’aurais pas osé te le demander, je pensais à autre chose.
— En fait, c’est lui qui a voulu m’enculer. Je suis frustré, je n’ai pas pu me vider les couilles. Il faudra que je me rattrape plus tard. Je peux compter sur vous ?
— Certainement, fit Daniel en riant. Je voulais te demander si nous étions les seuls Romands.
— Il y a Yvette et Chloé qui sont là depuis deux jours.
— Tu a aussi eu des relations sexuelles avec elles ? demanda Dom.
— Non, elles n’ont pas voulu, pourtant je prends mes précautions avec les filles, je mets toujours une capote. Je ne veux pas devenir père d’un bâtard dégénéré.
— Tu n’as pas confiance en tes gènes ?
— Je ne fais pas trop d’illusions sur leur qualité.
— Tu ne mets pas de capote avec les hommes ? demanda Daniel.
— Aussi, oui, c’est plus hygiénique. Yvette et Chloé sont à la cuisine pour préparer le repas de ce soir. Vous deux, vous aiderez pour la plonge.
Daniel et Dom burent leur verre de vin puis firent le tour de la propriété en attendant l’heure du repas, un grand parc avec d’autres bâtiments plus anciens que l’hôtel moderne où ils logeaient.
Après avoir mis en place le buffet de mets froids et chauds, Yvette et Chloé s’étaient assises au bout d’une table et buvaient l’apéro, elles avaient une vingtaine d’années. Daniel et Dom s’approchèrent, leur demandèrent si elles parlaient français et s’ils pouvaient s’asseoir avec elles. Elles acquiescèrent, Daniel retourna chercher des verres de vin blanc. Ils trinquèrent en se présentant. Elles habitaient Genève, Yvette était secrétaire au CICR, Chloé faisait des études de lettres.
— Je suis étonnée, dit Dom, il n’y a pas beaucoup de Romands.
— Oui, vous êtes les premiers à nous parler, dit Yvette, nous ne sommes là que depuis deux jours.
— Les Suisses alémaniques sont sympathiques, fit Chloé, mais ils parlent leurs dialectes et on le les comprend pas. Même chose avec les Tessinois.
— Flavio parle pourtant bien le français, dit Daniel, mieux que moi qui ne sais que quelques mots d’italien.
— Vous avez déjà fait connaissance, je suppose. Ils vous a dragués ?
— Oui, et même plus… Il est tout le temps nu ?
— Je ne l’ai jamais vu habillé, dit Chloé.
— Il est fier de son corps, il est beau gosse, fit Dom.
— Puisque tu le dis, nous on ne connaît rien aux canons de la beauté masculine. Je peux juste constater qu’il a une plus grosse bite que le David de Michel-Ange à Florence.
— Pas sensibles à la beauté masculine… Pourrais-je vous demander quelque chose de privé ?
— Si nous sommes lesbiennes ? Bien sûr, nous le sommes, deux femmes ensemble ce n’est pas étonnant. Cela ne pose aucun problème ici, du moins en public. On ne sait pas ce que les autres racontent derrière notre dos.
Ils se levèrent pour aller chercher une entrée au buffet, de la viande froide de la région et des salades.
— J’aurais encore une question, fit Dom. En ce moment tout le monde est habillé à part notre barman. Je pensais qu’il y aurait plus de naturisme.
— Nous ne savons pas, on verra, dit Yvette, il y avait de l’orage ces jours passés et le temps était frais. Nous aimons bien le naturisme et aussi des échanges avec d’autres femmes, mais pas spécialement avec les hommes, comme tu le devines. Il faudra que ton ami se contente d’être spectateur. Il paraît d’ailleurs que les hommes aiment bien voir des femmes faire l’amour ensemble.
Daniel et Dominique se regardèrent en riant.
— Je crains que ce ne soit pas le spectacle préféré de mon ami, dit-elle.
— Ah bon, fit Chloé, il est homosexuel ? Vous n’êtes pas ensemble ?
— Il est bien homosexuel et nous sommes en couple. Comprenne qui pourra.