Toujours jeunes
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Texte d'archive:
Date de publication/archivage: 2014-08-15 Auteur: anonyme |
Pas de famille, depuis ma rupture avec les miens, après que je leur eus annoncé que j'étais homosexuel. Pas d'ami fixe en ce moment : les fêtes en cette fin d'année s'annonçaient particulièrement tristes. Mes recherches sur plusieurs réseaux s’étaient avérées infructueuses : ou le numéro annoncé était fantaisiste, ou le téléphone sonnait occupé, ou personne ne décrochait, ou ce n’était pas pour tout de suite, ou encore je ne convenais pas. En dernier ressort, j’ai répondu à l’annonce d’un mec de soixante-neuf ans qui m’invitait à passer les week-ends de Noël et du jour de l’an chez lui.
Tout d’abord, j’ai hésité. J’ai moi-même trente-huit ans et j’ai toujours recherché les contacts avec des gars de mon âge ou, de préférence, plus jeunes. Je n’avais pas encore eu d’expérience avec quelqu’un de cet âge. De plus, cet homme était même plus âgé que mon propre père. Mais en fin de compte, j’ai accepté cette offre par peur de la solitude en ces jours de fête, par envie de partager malgré tout quelque chose avec quelqu’un. C’était par pur réalisme : je suis loin d’être un Apollon dont on s’arrache la compagnie et sexuellement, si je suis correctement monté, je ne suis cependant pas le héros dont rêvent certains annonceurs. Bref, je me suis donc rendu chez Jacques.
Je passe sur l’accueil chaleureux qui m’a été réservé, sur l’ambiance de fête qu’il a su créer, sur les petits plats qu’il a préparés pour nous, car ce n’est pas le sujet de cette lettre.
Le but de cette lettre est surtout de servir de témoignage contre la ségrégation «antivieux», que, sans en être conscient, je pratiquais moi-même. Je ne répondais qu’aux annonces de mecs plus jeunes que moi. J'ai d’ailleurs feuilleté à nouveau quelques-unes des rubriques d’annonces de revues gays et l’âge (moins de trente ans, si possible, moins de vingt-cinq ans ou moins de vingt ans) y est à chaque fois un critère déterminant. Or j’ai dû me rendre à l’évidence, malgré mes réticences du début : les relations sexuelles que j’ai eues avec Jacques ont été d’une qualité exceptionnelle, et ce, à différents niveaux.
J’ai dû remettre les pendules à l’heure en ce qui concerne la puissance sexuelle des mecs à partir d’un certain âge. Je peux porter témoignage qu’au cours de ces week-ends, Jacques m’a pris à plusieurs reprises deux fois de suite avec une vigueur dont je ne l’aurais pas cru capable. Ses coups de boutoir n’avaient rien à envier à ceux d’un mec plus jeune, ni pour ce qui est de la dureté de l’érection ou de la vigueur avec laquelle Jacques me pénétrait, déculait puis me pénétrait à nouveau, ni pour la quantité de sperme éjaculé. Nous sommes en effet, tous les deux séronégatifs et actifs-passifs à tour de rôle. Si, pour des rencontres furtives j’exige un préservatif, je reconnais que lorsque je peux faire confiance, je préfère m’en passer car, quoi qu’on puisse en dire maintenant, ma jouissance, et c’est aussi le cas pour Jacques, passe autant par le fait de sentir mon sperme s’écouler dans mon partenaire que de sentir le sien aller en moi. Nous avons pratiqué réciproquement la pénétration anale, la fellation, l’anilingus. En ce domaine, j’ai dû me rendre à l’évidence aussi, que Jacques avait jusqu’à présent moins de tabous que maint des mecs plus jeunes que j’ai rencontrés jusqu’à présent. Une aisselle odorante, des couilles humides de transpiration, un cul poisseux ou un pet lâché dans l’extase des caresses anales ne le rebutent point, mais accroissent même sa propre excitation. Au cours de ces week-ends, mon plaisir a été moins guindé, moins contrôlé : je ne pensais pas tout le temps à prendre une douche afin d’être clean, ou à faire refluer les gaz qui sont la première réponse jouissive de mon intestin lorsqu’on m’ouvre l’anus.
Avec Jacques, j’ai été aussi sensibilisé à une autre forme d’érotisme : dans mon esprit, comme dans celui de la plupart des gays, le symbole de l’érotisme est un jeune éphèbe. J’ai pu constater que le corps de Jacques ne me laissait pas indifférent en dépit du fait qu’il ne correspondait nullement à ce que j’avais recherché jusqu’à présent : Jacques a un corps lourd, corpulent, massif sans cependant être gros, mais qui n’est pas sans intérêt érotique. Un torse aux seins nettement formés, légèrement affaissés, avec des tétons toujours durs et érigés qui n’ont rien à envier à ceux d’une femme, un cul certes gros mais bien rond, un sac très flasque et pendant très bas dans l’entrejambe, une verge courte mais large (presque aussi grosse que longue) rendue plus impressionnante encore par l’étonnant bourrelet de peau fait par le prépuce retroussé. Jacques a en effet un prépuce particulièrement long et surtout largement ouvert par rapport à son gland, ce qui est un attrait sexuel supplémentaire tant visuel que tactile.
Il a aussi révolutionné ma conception de ce qui était une tenue érotique. À mes yeux, jusqu’à présent, seul le string avait droit à ce qualificatif. Avec Jacques, j’ai révisé cette opinion. Il a su m’appâter avec des tenues aussi communes que : slip blanc ouvert qui mettait en valeur son sac pendant ; un caleçon long pépère, ses fortes cuisses gainées dans le tissu blanc, son sexe déformant le tissu le long de sa cuisse gauche, l’étoffe pénétrant sa raie fessière, ne m’ont pas laissé indifférent ; pas plus que la veste de nuit pépère mais dévoilant du paquet plus qu’elle n’en cache ; ou encore qu’un maillot de corps à bretelles, bien plus érotique que le traditionnel tee-shirt, grâce aux poils qu’il laisse entrevoir et aux fortes pointes de seins qu’il épouse parfaitement.
Ajoutons à cela que j’ai découvert un fantasme que j’ignorais jusqu’à présent : en faisant l’amour avec Jacques, quelque part au fond de moi, j’ai eu l’impression de le faire avec mon père et cela n’a pas manqué de m’exciter. Je n’avais jamais pris conscience de cela, même si, je suppose que c’est le cas pour de nombreux gays, l’homme vers lequel j’ai porté mon regard, lors de l’éveil de ma sexualité homo à la puberté, était mon père dans la mesure où c’était le seul que je pouvais surprendre, quelquefois, dans son intimité.
Je me souviens, en effet, avoir essayé de le surprendre lorsque, par exemple, le dimanche il n’était vêtu pour le petit-déjeuner que d’un peignoir de bain, dont les pans s’entrouvraient de temps à autre, ou encore, sous prétexte d’un renseignement quelconque à demander, avoir pénétré dans la salle d’eau, lorsque je pouvais me douter d’après le lavabo qui se vidait, qu’il avait terminé sa toilette et qu’il allait retirer son slip pour passer son pantalon de pyjama. Il m’était arrivé aussi quelquefois de retirer dans la corbeille de linge sale le slip ou le pantalon de pyjama qui s’y trouvait. J’avais été rassuré de constater que les sous-vêtements de mon père n’étaient pas moins souillés que les miens. Avec l’adolescence tout cela s’est perdu et j’ai eu quelques attouchements avec des copains de mon âge, en faisant semblant de parler aux filles. Ce n’est que lorsque je suis devenu étudiant que j’ai pu me rendre autonome, et que j’ai commencé réellement à vivre mon homosexualité, ce qui a conduit à la rupture avec ma famille. Tout ceci a resurgi à l’occasion de cette rencontre avec Jacques.
Voilà, je ne sais pas si vous jugerez cette lettre digne d’être publiée. Il est vrai qu’elle n’est ni érotique, ni pornographique. Elle se veut tout simplement un témoignage contre la ségrégation entre gays, âgés et plus jeunes.
Je continue à voir Jacques, nous nous aimons bien et, en tout cas sexuellement, nous nous entendons parfaitement. Je ne sais pas si nos relations dureront, je ne prétends pas que je lui serai fidèle, je sais seulement que j’ai appris quelque chose : si demain je recherche une nouvelle aventure, la jeunesse du partenaire ne sera plus, pour moi, un critère essentiel et, dans les lieux de drague publics, comme les salles de cinéma X, les backrooms ou les saunas, je ne m’écarterai plus systématiquement lorsque la main qui vient me peloter les fesses ou m’effleurer la braguette est celle d’un «vieux». Peut-être mon expérience pourra-t-elle servir à quelqu’un d’autre ?
Anonyme