La route des éphèbes (14)
Texte paru le 2021-02-06 par Michel Geny-Gros


Cet auteur vous présente 39 texte(s) sur Gai-Éros.
Ce texte a été lu 1133 fois depuis sa publication (* ou depuis juin 2013 si le texte a été publié antérieurement)
© 2021 — Tous droits réservés par Michel Geny-Gros.

- Premier texte : La route des éphèbes (01)
- Texte précédent : La route des éphèbes (13)
- Texte suivant : La route des éphèbes (15)
Chapitre 14 — SÉJOUR À THÔNES (Récit de Dominique)
Jérôme et puis dans une moindre mesure ma sœur et Hervé m’avaient bien ému par leurs petits messages rédigés à la suite du journal de Jérôme. J’ai flippé quand il m’a demandé d’écrire sur son carnet le poème que je lui avais récité et dédié à Épidaure ! Fin juillet Jérôme était un bon copain, ami même que je soupçonnais gay et alors je ne pensais qu’à son cul et à sa queue ! Quelques jours après, je baisais avec lui, mais cette étreinte était devenue amour. Malgré mes réticences à afficher mon homosexualité, j’ai été obligé, comme mû par une force intérieure, à lui crier mon amour. J’ai presque eu peur de le perdre !
Mais, j’avais toujours la crainte des réactions de mon père, de ma mère et de mes frères. Je ne voulais pas les perdre, perdre ma chère vallée ! Ils étaient rustres et pas en mesure d’admettre ce qu’ils auraient pu considérer comme une dérivation s’ils avaient eu un peu plus d’instruction. Mais ce manque de savoir, je ne pouvais le reprocher à mes parents, débrouillards, travailleurs et qui avaient offert à mes frères, ma sœur et moi la possibilité de faire des études.
— Jéjé ! Tu te sens d’attaque si je te propose de faire le Mont Charvin demain à l’aube ? lui ai-je suggéré alors que tous les quatre nous revenions d’Annecy dans la Ford de Jérôme.
— Oui, mais je n’ai que des tennis. Je suppose qu’il me faut au moins des chaussures de randonnée ? m’a répondu à juste raison mon tendre copain.
— Tu ne commences pas par lui faire grimper la Tournette ? m’a demandé Hervé. C’est presque plus facile !
— Je commence par le Mont Charvin qui domine Le Bouchet, berceau de notre famille ! ai-je répondu.
— C’est une tradition ! a rétorqué Delphine. On fait découvrir notre montagne à tout nouveau venu dans la famille ! On a fait comme ça pour toi Hervé !
J’ai vu le visage réjoui de Jérôme après la remarque de Delphine et dans le fond de mon cœur j’ai béni ma sœur !
Nous nous sommes donc arrêtés à Thônes pour nous rendre dans la boutique de sport. Je lui ai ensuite fait visiter la ville et l’église avec son beau retable. Évidemment, j’ai rencontré plusieurs copains et copines à qui j’ai présenté Jérôme comme un ami. Je n’avais pas osé aller plus loin. Il me fallait avant franchir l’étape des parents et de la famille. Malgré tout l’amour de Jérôme, j’étais trop angoissé pour envisager cet aveu dans l’immédiat.
On a tous été se coucher tôt après un bon dîner. Maman avait fait de la tartiflette !
Hervé et Delphine avaient choisi de partir très tôt pour rejoindre Paris et nous nous sommes (péniblement) levés en même temps pour les embrasser et nous mettre en route pour notre excursion. J’avais pris un sac à dos, avec casse-croûte et tout le matériel du parfait randonneur. Nous avons d’abord pris la voiture pour nous rendre à l’alpage par le hameau de la Savattaz. Jérôme a été surpris de voir encore de petits névés sur la façade nord de la Tournette et a admiré le paysage presque religieusement.
Nous avons emprunté la route de la Savattaz jusqu’à l’arrêt du goudron et à presque onze cents mètres d’altitude. Nous avons laissé la voiture devant la ferme et nous avons commencé l’ascension. Il était huit heures, le temps était beau, le ciel limpide et l’air frais. Je connaissais par cœur le sentier et nous étions les premiers randonneurs à partir. Un bon marcheur mettait deux heures pour atteindre le sommet et j’avais prévu un peu plus ne connaissant pas la capacité de marche de mon ami. Je lui avais fait prendre un bâton qui allait lui être utile sur l’arête en éboulis. Je n’avais pris qu’un sac pour que Jérôme soit à l’aise. Généreux, il a voulu le porter, mais je n’ai pas accepté car moi j’avais l’habitude des courses en montagne. Jérôme marchait bien d’un pas régulier, heureusement, il n’y avait pas de pied de framboisier…
Le chemin a été facile jusqu’à la limite de l’alpage. Mon Jérôme était émerveillé de voir les Alpes à perte de vue et nous nous arrêtions de temps en temps pour prendre quelques photos. Lorsque le chemin est devenu étroit et caillouteux, j’ai suggéré à Jérôme de passer devant lui pour trouver le meilleur tracé.
— Ça y est ! Je suis stimulé, s’est écrié Jérôme en reprenant son souffle.
— Par quoi ? lui ai-je demandé innocemment.
— Par la vue de ton beau petit cul moulé par ton short !
— Alors, contrôle ton beau muscle ! lui ai-je suggéré pour essayer d’avoir le dernier mot.
Dans le col et avant d’attaquer l’arête nord du Mont Charvin, j’ai entendu le sifflement des marmottes, sorti les jumelles que j’ai passées en silence à Jérôme pour qu’il puisse voir à quelques centaines de mètres, une marmotte dressée à la sortie de son terrier, scrutant l’éventuel danger et surveillant sa progéniture. Jérôme, étonné et ébahi, a adapté son zoom et a pu prendre quelques photos. Au milieu de matinée, nous avons abordé l’arête étroite. C’était le seul endroit un peu difficile du parcours parce que réduit et instable. J’avais peur que Jérôme ait un peu le vertige, mais non, il marchait comme une chèvre et avant d’atteindre la perspective sur le versant est, je l’ai prévenu :
— Attends-toi au plus beau spectacle des Alpes !
— On va voir le Mont-Blanc ? a deviné Jérôme.
Le toit de l’Europe nous est apparu, blanc sur fond bleu, sans un nuage, entouré de ses vassaux eux aussi de blanc vêtu, parés de glaciers… Jérôme a regardé comme fasciné la chaîne du Mont-Blanc !
— Encore vingt minutes et on sera au sommet ! Ça ira mon Jéjé ?
— Qu’est-ce que tu crois ! Un parisien ça sait marcher ! m’a répondu Jérôme.
Un quart d’heure après, le pas décisif et énergique nous avons vaincu le Mont Charvin. Nous étions encore seuls, le groupe suivant parti après nous n’avait pas encore atteint le col. Jérôme s’est assis dans un creux d’herbes fraîches à l’abri du vent. Je l’ai rejoint et après avoir admiré le paysage, je l’ai entraîné dans une folle étreinte.
Quelques photos, un petit casse-croûte et nous avons repris le chemin du retour.